Les chemins de terre de sally

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Hélène Prévost

Photographies : Jenny Cundy

21 x 21 cm

Poids : 180 g

Tout d’abord, les personnages sont arrivés, ils se sont imposées à moi sans que j’aie eu mon mot à dire.

La boule de terre se transformait dans mes mains pour devenir être humain, vivant, mais toujours avec, dans le regard, ce petit quelque chose qui disait l’angoisse et l’intériorité mais en même temps, une présence au monde.

Je les ai reconnus tout de suite. Je faisais naître mes ancêtres. Ces juifs qui, depuis des générations, se chargeaient des restes de leur vie, si au moins elle leur était épargnée, pour partir et recommencer à vivre ailleurs. Des personnes en fuite, attendant l’inconnu, fatalistes ou apeurés et puis aussi ceux dont le voyage était déjà derrière eux.

Ceux qui étaient déjà arrivés dans un ailleurs sont souvent les adultes de mon enfance. Ils sont étrangers, parlent avec un fort accent, mais s’installent dans leur nouvelle vie, s’adaptent et s’enracinent.

J’en étais là. Les générations qui m’avaient précédée sortaient de mes mains, modelées dans la terre et je ne pouvais plus les arrêter.

Et voilà que les vagues de réfugiés du moyen orient et au delà s’affichaient partout dans les journaux, sur les écrans. Je ne pouvais pas leur rester indifférente. Ils se sont imprimés dans ma tête et dans mes mains, comme malgré moi. Pour moi c’étaient les mêmes ; ces visages, ces corps m’ont touchée et faisaient écho aux réfugiés d’un autre temps, tous jetés sur les routes à la recherche d’une nouvelle vie.

La boule de terre devenait famille de Syriens, migrants en bateau, queue devant une frontière fermée. Leurs visages angoissés, la peur du lendemain et leur errance répondaient à mon peuple intérieur.

A force de les modeler, ces gens perdus mais jamais totalement vaincus, ce peuple qui m’habitait, s’est apaisé.

Ils ont gagné en tranquillité et se fondent dans un environnement plus paisible même si l’angoisse d’être ne disparaîtra jamais totalement. Ils continuent de m’accompagner et je continue à leur donner vie.

Pourquoi sont-ils là ? Quelle est cette histoire ? Je n’ai aucune

réponse, mais c’est là qu’ils se sont installés.